Aider un enfant à créer son activité professionnelle peut également consister à lui donner l’entreprise familiale.
Sur le plan fiscal, la donation de l’entreprise, individuelle ou exploitée en société, fait l’objet de plusieurs mesures d’incitation (exonération partielle des droits de donation, réduction de droits, facilités de paiement des droits…) et rendent ce mode de transmission particulièrement attractif. Notez que lorsque des époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, l’accord des deux parents est nécessaire pour réaliser la donation, si l’entreprise est un bien commun.
Dans quels cas une donation isolée n’est-elle pas recommandée ?
La donation de l’entreprise familiale à l’enfant le plus susceptible de poursuivre l’activité est le souhait de nombreux chefs d’entreprise. Cette donation peut, d’ailleurs, n’être consentie, dans un premier temps, qu’en nue-propriété, afin de permettre au donateur usufruitier de conserver les revenus tirés de l’exploitation familiale.
Lorsque le donateur a plusieurs enfants, la donation isolée expose le donataire à un risque de contestation et de remise en cause de la donation au décès du donateur, particulièrement en raison des règles sur la réserve successorale et le rapport des donations. Lorsque l’entreprise a pris de la valeur depuis la donation, les règles du rapport successoral impliquent notamment de distinguer les plus-values qui résultent de la gestion de l’entreprise par le donataire de celles qui proviennent uniquement de l’inflation ou du contexte économique (seules ces dernières étant prises en compte). On comprend qu’il y a matière à des discussions sans fin pouvant se solder par un contentieux pénible entre héritiers, durant parfois des années…
Quels sont les atouts de la donation-partage ?
Lorsque cela est possible, il est préférable de transmettre l’entreprise par le biais d’une donation-partage notariée. Si tous les héritiers participent à la donation-partage, les risques de litiges au décès du ou des donateurs seront écartés : les biens donnés par donation-partage sont évalués lors du règlement de la succession du donateur pour leur valeur gelée au jour de la donation, c’est-à-dire sans tenir compte des variations intervenues ultérieurement sur les biens donnés (art. 1078 du Code civil). En d’autres termes, le donataire profite seul des plus-values ou supporte seul les dépréciations qui peuvent survenir après la donation. Si le donataire a su faire fructifier l’entreprise, il n’aura pas de comptes à rendre à ses frères et sœurs lors de la succession du donateur.
Comment déterminer au mieux la valeur de l’entreprise ?
Pour limiter le risque de contestation de la part des autres enfants et du fisc, il est indispensable de faire évaluer l’entreprise à sa juste valeur par un professionnel, tel qu’un expert-comptable. Avant la donation-partage, le futur donateur peut soumettre préalablement, à l’administration fiscale, la valeur vénale pour laquelle il estime l’entreprise. C’est le mécanisme dit du « rescrit-valeur ». Le fisc dispose alors d’un délai de 6 mois pour donner son avis. S’il accepte la valeur proposée et si la donation intervient dans les 3 mois à compter de l’avis du fisc pour cette valeur, le fisc ne pourra plus ensuite la remettre en cause.
La donation d’entreprise bénéficie-t-elle d’une fiscalité favorable ?
La donation de titres (parts ou actions) de sociétés ou d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peut bénéficier d’une exonération des 3/4 de leur valeur (soit 75 %) pour le calcul des droits de donation ou de succession, sans limitation de montant (art. 787 B et C du CGI). Autrement dit, les droits de donation sont calculés sur la base de 25 % de la valeur de l’entreprise seulement. Les juristes parlent de « pacte Dutreil ». Cette exonération partielle joue aussi en cas de donation d’usufruit ou avec réserve d’usufruit au profit du donateur. À condition, toutefois, que les statuts de la société soient aménagés pour limiter le droit de vote dont dispose le donateur (l’usufruitier) aux seules décisions concernant l’affectation des bénéfices. Cette restriction est destinée à s’assurer que le donataire (le nu-propriétaire) peut bien assumer la direction effective de l’entreprise. Par ailleurs, notez que la donation d’une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés n’entraine pas le paiement de l’impôt sur la plus-value. La donation d’une entreprise individuelle ou d’une société soumise à l’impôt sur le revenu est, en revanche, imposable, mais plusieurs possibilités d’exonération existent. C’est notamment le cas lorsque la valeur transmise ne dépasse pas 300 000 € (exonération totale) ou est comprise entre 300 000 € et 500 000 € (exonération partielle ; art. 238 quindecies du CGI). Il en va de même si le donataire reprend la direction de l’entreprise pendant au moins 5 ans. Lors de la donation, un report d’imposition est demandé, qui devient définitif au bout des 5 ans (art. 151 nonies II et III du CGI).
Quelles sont les conditions pour bénéficier de l’exonération des 3/4 ?
S’il s’agit d’une société, l’exonération est subordonnée à la souscription d’un « engagement collectif de conservation des titres » (ECCT). Cet engagement est dit collectif, car il doit être souscrit par le futur donateur et au moins l’un de ses associés. Ceux-ci s’engagent par écrit à conserver pendant au moins 2 ans un certain pourcentage des titres de l’entreprise. Ce pourcentage est fixé à 34 % si la société n’est pas cotée et à 20 % dans le cas contraire.
En outre, dans l’acte de donation, le donataire doit à son tour s’engager à conserver les titres transmis pendant 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif mentionné ci-dessus (on parle aussi « d’engagement individuel de conservation des titres » — EICT). Le donataire doit ensuite exercer son activité principale, ou des fonctions de direction dans la société transmise, pendant les 3 années qui suivent la donation. Notez que pendant la durée de l’engagement individuel, le donataire peut apporter ses parts à une société holding « passive ». Cette société doit notamment respecter l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme de l’engagement individuel (art. 787 B f du CGI).
[box type=”info” style=”rounded” border=”full”]A savoir : En cas de non respect de l’un ou l’autre des engagements le fisc réclamera le versement des droits de donation qui avaient été évités, ainsi que des intérêts de retard (0,40 % par mois de retard).[/box]
Quelles sont les conditions à respecter pour une entreprise individuelle ?
Dans le cas d’une entreprise individuelle, les conditions sont différentes. L’exonération partielle des droits de mutation s’applique aux conditions suivantes : l’entreprise doit avoir été détenue par le donateur depuis au moins 2 ans avant sa transmission. Aucun délai n’est toutefois exigé si le donateur a lui-même acquis l’entreprise par donation ou héritage ou encore s’il l’a créée depuis moins de 2 ans. Le donataire doit prendre l’engagement individuel dans l’acte de donation de conserver l’entreprise pendant 4 ans. Il doit en outre poursuivre effectivement l’exploitation de l’entreprise pendant 3 ans à compter de la donation et y exercer son activité habituelle et principale. Le donataire peut cependant transformer l’entreprise individuelle en société. En cas de non-respect de l’engagement, le fisc réclamera les droits de donation qui ont été évités, ainsi que l’intérêt de retard de 0,40 % par mois.
Les droits de donation peuvent-ils être réduits en fonction de l’âge du donateur ?
En 2001, le législateur a supprimé la réduction de droits de donation liés à l’âge du donateur, sauf dans le cas de certaines donations d’entreprises. La donation doit remplir les conditions du dispositif de la « loi Dutreil » permettant de bénéficier de l’exonération de 75 %. Lorsque des droits de donation sont dus, malgré l’exonération de 75 %, ils peuvent en effet être réduits de 50 % si le donateur a moins de 70 ans et si la donation est consentie en pleine propriété (et non avec réserve d’usufruit au profit du donateur).
[box type=”info” style=”rounded” border=”full”]A savoir : Lorsque la donation concerne une entreprise individuelle, elle doit porter sur la totalité ou une quote-part indivise de l’ensemble des biens meubles et immeubles corporels ou incorporels affectés à l’exploitation. Notez que la réduction de droits joue quelle que soit la forme de la donation (donation ou donation-partage notariée ou don manuel).[/box]
Existe-t-il des facilités de paiement pour les droits de donation ?
Le paiement des droits dus sur les donations d’entreprises (individuelles ou titres de sociétés non cotées) peut être différé pendant 5 ans et, à l’expiration de ce délai, être fractionné sur 10 ans à raison de 1 /20e tous les 6 mois assorti d’un intérêt exigible semestriellement. Pour bénéficier de ces avantages en cas de donation d’entreprise individuelle, la donation doit porter sur l’ensemble des biens qui en dépendent. En cas de donation de droits sociaux, les titres ne doivent pas être cotés et le bénéficiaire doit recevoir 5 % au moins du capital social.
Durant cette période, le donataire ne verse que les intérêts, calculés sur le montant des droits à un taux fixe aligné sur celui de l’intérêt légal, arrondi à la première décimale. Ce taux est en outre réduit des deux tiers lorsque la valeur de l’entreprise ou des titres comprise dans la part taxable de chaque donataire est supérieure à 10 % de la valeur de l’entreprise ou du capital social, ou lorsque, globalement, plus du tiers du capital social est transmis.
[box type=”info” style=”rounded” border=”full”]A savoir : Ce crédit permet de ménager la trésorerie de l’entreprise. Le donataire a donc tout intérêt à demander à bénéficier de ces facilités de paiement, même s’il est en mesure de régler les droits comptant.[/box]
Quel est l’intérêt de constituer une holding familiale ?
Comment conforter le pouvoir de l’enfant qui a vocation à reprendre l’entreprise sans sacrifier les intérêts des autres ? La plupart des solutions proposées par les juristes reposent sur la constitution d’une holding, une société sans activité réelle : son objet est de détenir les titres de l’entreprise dont le dirigeant va se désengager (cette dernière est dite « entreprise cible »). Un des schémas possibles est le suivant : tant que les enfants n’ont pas de vocation professionnelle, les parents leur donnent une partie des parts de la société, en nue-propriété. Deux à trois ans avant le passage de témoin, une holding est constituée et parents et enfants lui apportent l’usufruit et la nue-propriété des parts données. En échange, ils reçoivent des parts de la holding. Les parents peuvent ensuite vendre à la holding les autres titres de l’entreprise cible. La holding finance ce rachat par un emprunt, qu’elle remboursera grâce aux dividendes que lui reversera l’entreprise cible. Toutefois, celle-ci doit dégager suffisamment de bénéfices pour financer l’emprunt. La création d’une holding permet également de ne pas précipiter le départ des enfants non repreneurs. Le repreneur n’aura pas à financer le rachat immédiat de leurs parts, préservant ainsi équilibre financier de l’entreprise. En contrepartie, les enfants non-repreneurs, qui restent associés ou actionnaires, profiteront de sa valorisation lorsqu’ils se retireront du capital. Les statuts de la holding devront être rédigés de façon à organiser aux meilleures conditions leur sortie, ce qui sera le gage de l’entente familiale.