La donation partage

La donation-partage permet à des parents d’organiser la transmission de certains de leurs biens à leurs enfants, en limitant les risques de contes­tation à leur décès.

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Une caractéristique précieuse lorsqu’il s’agit d’assurer l’avenir d’un enfant vulnérable. Cela permet d’adapter les lots donnés aux besoins spécifiques de l’enfant à protéger. Par exemple, en lui attribuant un appartement pour assurer son lieu de vie ou un portefeuille de valeurs mobilières pour lui procurer un complément de revenus. Faute de quoi, le partage des biens successoraux qui n’a pas été organisé est réalisé directement entre les héritiers, et peut être source de conflits entre eux. Rien ne permet alors d’avoir la certitude que l’enfant vulnérable recevra les biens les mieux adaptés à ses besoins.

Une donation-partage peut-elle être inégalitaire ?

En principe, une donation-partage est égalitaire. Les parents peuvent cependant, dans certaines limites, avantager un des enfants par rapport à ses frères et sœurs. Ils peuvent ainsi ajouter à sa part de réserve tout ou partie de la quotité disponible de leurs biens. Rappelons que la quotité disponible est la part de votre patrimoine dont vous pouvez disposer libre­ment (par donation ou testament), lorsque vous avez des héritiers réser­vataires : la moitié du patrimoine avec un enfant, un tiers avec 2 enfants, et un quart avec 3 enfants ou plus. Au décès du (ou des) donateur(s), l’enfant conservera cet avantage et, sauf indication contraire du défunt, les biens existants au décès seront partagés à parts égales entre tous les enfants (art. 1075-5 du Code civil).

Mieux : depuis 2007, les frères et sœurs peuvent renoncer à l’avance à remettre en cause une libéralité (donation, donation-partage, legs) qui porterait atteinte à leur réserve (art. 929 du Code civil). C’est le cas si l’enfant handicapé reçoit plus que la quotité disponible. Cette « renon­ciation anticipée à l’action en réduction » (les notaires parlent aussi de « pacte de famille ») est strictement encadrée par la loi en raison de sa gravité. Notamment, elle doit obligatoirement intervenir dans un acte notarié reçu par deux notaires (art. 930 du Code civil).

[box type= »info » style= »rounded » border= »full »]A savoir : La renonciation anticipée n’est pas considérée comme une donation indirecte par le fisc (art. 756 bis du code général des impôts – CGI). En clair, la part reçue par l’enfant avantagé au-delà de la quotité disponible n’est pas taxée au tarif applicable aux donations entre frères et sœur.[/box]

Peut-on prévoir le versement d’une rente au profit de l’enfant vulnérable ?

La gestion de l’usufruit d’un immeuble de rapport, d’un portefeuille de titres… peut s’avérer lourde pour le représentant légal de l’enfant handicapé (tuteur, curateur…). C’est pourquoi la rente viagère est une alternative à l’usufruit souvent préconisée. Cette solution répond bien au double objectif d’assurer un revenu régulier à l’enfant tout en évitant une coûteuse transmission de ses biens à son décès. Comment faire ? Dans la donation-partage, les parents prévoient qu’un de leurs enfants (ou plu­sieurs) versera une rente viagère à son frère ou à sa sœur handicapé (e). En contrepartie, la part attribuée à celui (ou à ceux) qui supportera la rente sera alors supérieure à celle des autres enfants. Bien entendu, la rente viagère doit être déterminée avec soin. Les notaires disposent d’outils permettant de la calculer. Elle doit aussi être assortie de garanties quant à son paiement (hypothèque…). Cette solution permet d’assurer à l’enfant vulnérable un revenu fixe, sans qu’il ait à supporter les difficultés inhérentes à la gestion des biens.

Quel est le régime fiscal de la rente viagère ?

Le versement d’une rente viagère est avantageux pour l’enfant handi­capé sur le plan de l’impôt sur les revenus : seule une partie de la rente, variable suivant son âge au jour du premier versement, est imposable (art. 158-6 du CGI). La part imposable de la rente est égale à 70 % si le bénéficiaire est âgé de moins de 50 ans ; à 50 % s’il est âgé de 50 à 59 ans inclus ; à 40 % s’il est âgé de 60 à 69 ans inclus ; et à 30 % s’il est âgé de plus de 69 ans. Un bémol : les textes fiscaux ne permettent pas aux frères et sœurs débiteurs de la rente, pour le règlement des droits de donation, de déduire le montant de cette rente de la valeur des biens qu’ils ont reçus (art. 776 bis du CGI). Notez qu’il est d’ailleurs possible de panacher usufruit et rente viagère.

Peut-on imposer aux autres enfants l’obligation de s’occuper de celui qui est handicapé ?

Autre possibilité pour les parents : prévoir que les enfants valides (ou certains d’entre eux) devront prendre en charge matériellement l’enfant handicapé, en contrepartie d’un ou plusieurs biens qui leur sont attri­bués. Selon le cas, cette obligation pourra être plus ou moins étendue : loger l’enfant handicapé, le nourrir, le faire soigner et prendre en charge les soins médicaux… La disposition de la donation-partage doit être la plus précise possible. Bien entendu, une telle mission ne doit jamais être imposée par les parents aux enfants ni acceptée par eux à la légère. Le cas échéant, il peut être judicieux de prévoir la transformation en rente viagère de l’obligation prévue initialement, si la charge de soins se révèle, au final, trop lourde pour les enfants valides (parce que le handicap s’aggrave, nécessite une prise en charge adaptée…). Notez que, sur le plan fiscal, l’obligation de soins présente le même inconvénient que le versement d’une rente viagère : elle n’est pas, pour le calcul des droits de donation, déductible de la valeur des biens reçus par l’enfant qui s’engage à les prodiguer.

Peut-on donner seulement l’usufruit d’un bien ?

La donation peut attribuer à l’enfant vulnérable seulement l’usufruit des biens donnés, ses frères et sœurs recueillant la nue-propriété. Cette solution est souvent préférable pour éviter de désavantager définitivement les seconds en faveur du premier. Ainsi, au décès de l’enfant vulnérable, l’usufruit s’éteint et la pleine propriété des biens retourne aux frères et/ou sœurs ou, s’ils sont décédés entre-temps, à leurs descendants. Au final, l’équilibre entre les différentes « souches », c’est-à-dire entre les enfants du donateur et leur descendance, est respecté. Sur le plan fiscal, le démembrement de la propriété entre usufruit et nue-propriété permet de limiter le coût de la transmission.

La libéralité bénéficie-t-elle d’avantages fiscaux ?

Sur le plan des droits de donation et de succession, l’enfant handicapé bénéficie d’un régime fiscal plus favorable que celui applicable aux enfants valides. En plus de l’abattement de 100 000 € en vigueur entre parent et enfant, un abattement supplémentaire de 159 325 € bénéficie à tout héritier, donataire ou légataire incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise (art. 779 du CGI). Toutes les infirmités existant au jour de la donation ou lors de la succession sont retenues, quelle que soit leur nature, leur cause, ou leur ancienneté. Aucun degré d’invalidité n’est exigé par le fisc. Il faut cependant que l’infirmité soit survenue au cours de la jeunesse ou de la vie active de l’enfant (et non à un âge avancé, après une existence normale). Ou bien, pour un donataire ou héritier mineur, qu’elle l’empêche d’acquérir une instruction ou une formation professionnelle d’un niveau normal.

Mais attention, le fisc interprète souvent strictement ces conditions et exige, en particulier, que le donataire apporte la preuve de l’impact effectif qu’a entraîné son handicap sur le déroulement de sa carrière professionnelle, ce qui n’est pas toujours aisé à démontrer. La preuve peut être apportée par tous moyens : certificat médical circonstancié ; certificat d’un éta­blissement scolaire spécialisé ; décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)…

[box type= »info » style= »rounded » border= »full »]A savoir : Sous réserve de remplir les conditions légales, l’enfant handicapé bénéficie d’un abattement global de 259 325 € lorsqu’il hérite de l’un de ses parents ou qu’il reçoit une donation de sa part. Deux parents peuvent donc transmettre jusqu’à 518 650 € par donation ou donation-partage à leur enfant handicapé en franchise totale de droits fiscaux. Plus, le cas échéant, un don familial exonéré de 31 865 €, de la part de chaque parent (soit 63 730 € pour un couple). Et ce, tous les 15 ans.[/box]