Des parents remettent un gros chèque à leur fille. Quelques années plus tard, les époux renouvellent ce geste généreux au profit de leur cadet.
De telles libéralités, appelées « dons manuels », sont plutôt courantes et parfaitement licites. Le don manuel, en effet, est une donation qui se fait « de la main à la main », sans formalisme particulier. Le don manuel constitue l’exception au principe édicté par l’article 931 du Code civil selon lequel une donation doit impérativement résulter d’un acte notarié. Il est possible de transmettre de la sorte, à la personne de votre choix, qu’il s’agisse ou non d’un proche, de l’argent (en liquide, par chèque ou par virement), mais aussi du mobilier, des objets d’art, des bijoux, une voiture… Selon une jurisprudence bien établie, des titres (parts de Sicav, actions, obligations…) peuvent aussi faire l’objet d’un don manuel, par virement du compte du donateur (celui qui donne) à celui du donataire (celui qui reçoit).
Est-il obligatoire de déclarer le don manuel ?
Le bénéficiaire d’un don manuel n’est pas tenu de le signaler spontanément à l’administration fiscale. Or, tant que celle-ci n’en a pas connaissance, la libéralité n’est pas taxable. À cet égard, rappelons qu’un don manuel est imposé comme une donation classique en appliquant les mêmes tarifs et abattements. Il peut être tentant, a priori, de passer un don manuel sous silence, afin d’éluder le versement des droits de donation.
La règle du rappel fiscal des donations s’applique
Toutefois, si le bénéficiaire hérite ensuite du donateur en vertu de la loi (c’est le cas d’un enfant, par exemple) ou à la suite d’un testament (on parle alors de légataire), il doit alors déclarer le don dans la déclaration de succession. Cette règle du « rappel fiscal » des donations est prévue par l’article 784 du code général des impôts (CGI). Elle permet au fisc de calculer le montant des droits de succession en tenant compte tenu de toutes les donations consenties de son vivant par le défunt à chaque héritier ou légataire, à l’exception de certaines donations de plus de 15 ans.
Plus généralement, toujours selon la règle du rappel fiscal, toute donation portée à la connaissance du fisc (c’est toujours le cas d’une donation notariée ou en cas de déclaration de don manuel) doit mentionner toutes celles ayant été consenties antérieurement par le même donateur au même bénéficiaire. Il en va ainsi, que ce dernier soit ou non destiné à hériter du donateur. Le donataire qui omet de rappeler des donations antérieures risque un redressement fiscal. Si le fisc prouve l’omission, il exigera non seulement les droits normalement dus, mais aussi des intérêts de retard de 0,40 % par mois, voire des pénalités pouvant atteindre 80 % des droits.
Le don manuel doit parfois être déclaré
Le bénéficiaire d’un don manuel peut être contraint de le révéler à l’administration, notamment pour répondre à des investigations menées dans le cadre d’un contrôle fiscal. Pour éviter que le don, considéré comme un revenu occulte, ne soit alors imposé comme tel dans le cadre de la procédure fiscale de taxation d’office, le donataire doit le déclarer. Le don devient également taxable lorsqu’il est constaté dans une décision judiciaire. Ce peut être le cas à la suite d’un décès, si l’un des héritiers est condamné, à la demande des autres, pour avoir caché l’existence d’un don manuel consenti par le défunt, en vue d’éviter le rapport successoral ou fiscal. En outre, l’héritier qui agit de la sorte se rend coupable de « recel successoral ». Il perd alors tous ses droits sur le bien ou la somme donnés.
Il peut être avantageux de déclarer le don
Dans les faits, le donataire a souvent intérêt à déclarer sans attendre le don manuel au fisc. En effet, si le don ne dépasse pas le montant de l’abattement applicable selon le lien de parenté existant le donataire, il n’est pas taxable. Dans les faits, l’abattement de 100 000 € applicable entre parents et enfants, par exemple, doit permettre de défiscaliser un bon nombre de dons.
Pour bénéficier plusieurs fois du tarif fiscal favorable
La déclaration du don fait courir le délai de 15 ans au terme duquel le fisc ne tient plus compte du don en cas de nouvelle libéralité (ou de décès du donateur). À cet égard, notez que l’allongement de 10 à 15 ans, instauré en 2012, invite à déclarer le don au plus vite lorsque l’on souhaite gratifier une personne à plusieurs reprises. Une personne de 50 ans qui donne aujourd’hui 100 000 € à un enfant, par exemple, devra attendre ses 65 ans pour renouveler l’opération en franchise de droits, puis 80 ans pour la renouveler encore (contre 60 ans et 70 ans auparavant l’allongement du délai).
Par ailleurs, en cas de décès du donateur, le fisc ne tient pas compte des donations de plus de 15 ans pour le calcul des droits de succession. Si le donateur décède alors que le délai de 15 ans n’est pas encore écoulé, l’enfant ne bénéficiera pas de l’abattement pour le calcul des droits de succession. Lorsqu’il s’agit d’une donation notariée, le délai de 15 ans démarre à la date de la signature de l’acte chez le notaire. Lorsqu’il s’agit d’un don manuel, le délai ne débute qu’à compter du jour où le don a été déclaré. Tant que cette formalité n’a pas été effectuée, le délai ne court pas. D’où l’intérêt de déclarer le don rapidement.
La déclaration fige la valeur du don
Lorsque le don manuel porte sur un bien autre qu’une somme d’argent, un autre argument peut militer en faveur d’une prompte déclaration au fisc. Il s’agit du principe selon lequel la valeur retenue par l’administration fiscale pour calculer les droits de donation est celle du bien au jour de la déclaration, et non sa valeur à la date du don. Cette règle n’est pas sans conséquence lorsque le bien, par exemple un portefeuille de titres ou un bien immobilier, s’est apprécié entretemps, dépassant alors le montant de l’abattement.
Exemple : En 2009, Pierre fait virer de son compte-titres sur celui de son fils, Alain, 1 000 titres de la société X. Chaque titre vaut 150 €. Le montant du don est de 150 000 €. Alain ne révèle cette libéralité au fisc que 4 ans plus tard, en septembre 2013. À cette époque, le titre vaut 200 €, soit un don de 200 000 € au total. S’il avait été déclaré au fisc en 2009, aucun droit n’aurait été dû, compte tenu de l’abattement de 151 950 € en cours à l’époque. Révélé en septembre 2013, le don est taxé, car il dépasse l’abattement de 100 000 € désormais applicable.
Cette règle d’évaluation fiscale n’a aucune incidence, en revanche, lorsque le don manuel porte sur une somme d’argent. Dans un tel cas, en effet, c’est cette même somme, non réévaluée, qui est prise en compte pour le calcul des droits de donation. Il en va ainsi, même si le don est révélé au fisc plusieurs années après. Mieux, la somme n’est pas revue à la hausse, même si les fonds ont servi à acquérir un bien qui a pris de la valeur au fil du temps.
Comment déclarer le don manuel
Le donataire peut déclarer le don manuel, au service des impôts de son domicile au moyen du formulaire spécifique n° 2735 de « Déclaration de don manuel » (Cerfa n°11278*12). Ce formulaire est disponible dans les centres des finances publiques et il peut aussi être téléchargé sur www.impots.gouv.fr, rubrique « Recherche de formulaires ». Il est possible de le remplir en ligne, puis de l’imprimer.
Notez que le donataire peut aussi choisir de déclarer un don manuel taxable supérieur à 15 000 € dans le mois suivant le décès du donateur (cette option doit être effectuée sur un imprimé spécifique n° 2034). Les droits sont alors calculés sur la valeur du don au jour de la déclaration ou sur la valeur au jour de la donation, si elle est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration du don manuel (art. 757 du CGI).