Les règles communes aux donations

Une donation est irrévocable

Il faut bien avoir à l’esprit qu’une donation est un geste irrévocable. Une fois le don effectué ou l’acte de donation signé, vous ne pouvez plus changer d’avis et reprendre le bien donné (art. 894 du Code civil).

Don

Les exceptions à ce principe sont rares et particulièrement difficiles à mettre en œuvre. Toute donation doit donc être mûrement réfléchie.

Il faut pouvoir donner sans trop s’appauvrir
Le principe est qu’il faut pouvoir donner sans se démunir. Il faut notamment savoir faire abstraction des incitations fiscales pour déterminer ce que vous pouvez réellement transmettre à vos enfants, par exemple. Vous devez, en effet, conserver un patrimoine suffisant pour garantir, à terme, votre autonomie financière. Transmettre trop tôt une partie trop importante de son patrimoine, c’est prendre le risque de se retrouver dans la gêne quelques années plus tard. Dans la mesure du possible, il est donc conseillé d’attendre l’heure de la retraite. Vous disposez, à ce moment-là, d’une bonne visibilité sur vos ressources futures.

Une donation de biens présents au conjoint est irrévocable : Un époux a tout à fait le droit de donner à son conjoint un bien qui lui appartient personnellement. Cet acte, appelé « donation de biens présents », était extrêmement rare avant la réforme des donations et successions de 2006. Ce type de libéralité pouvait, en effet, être annulé à tout moment par le donateur, même si le bien donné avait déjà été revendu par le donataire. La révocabilité de ces donations empêchait, de fait, toute revente des biens donnés. Depuis la réforme de 2006, la donation par un époux à son conjoint est devenue irrévocable. Mais, paradoxalement, ce changement n’encourage pas forcément le recours aux donations de biens présents. Le fait que cet acte ne puisse plus être annulé, même en cas de divorce, risque, en effet, d’être dissuasif. Une donation de biens présents peut être envisagée si le couple est solide et plutôt âgé. Sachez que le conjoint donataire bénéficie, à cette occasion, d’un abattement de 80 724 €. Cet abattement n’a pas été remis en cause par la 2e loi de finances rectificative pour 2012. Mais attention, la donation ne doit pas porter atteinte à la part de réserve des enfants. À cet égard, il est indispensable de prendre conseil auprès d’un notaire.

De plus, cela coïncide, généralement, avec le moment où vos enfants achètent leur résidence principale, accueillent un nouvel enfant ou prennent un virage professionnel nécessitant des fonds importants. Pour ne pas hypothéquer votre avenir, il faut estimer vos besoins futurs en partant de vos dépenses actuelles (nourriture, logement, vêtements, santé, loisirs…) et en vous projetant jusqu’à la fin de votre vie ou, s’il y a une grande différence d’âge avec votre conjoint, jusqu’à la fin de la vie du plus jeune des deux. Tenez compte aussi de vos charges familiales futures, notamment si vos propres parents risquent d’avoir besoin de votre aide. Les propriétaires doivent anticiper le coût d’entretien d’un logement, qui s’accroît avec le temps, et les locataires celui de l’augmentation du loyer. Il faut aussi prévoir vos ressources futures, notamment le montant de vos retraites. Sans oublier le coût de la dépendance, de loin la plus lourde dépense due au grand âge.

Les exceptions au principe d’irrévocabilité des donation
Il n’existe que quelques exceptions au caractère irrévocable d’une donation, assez difficiles à mettre en œuvre (art. 953 et s. du Code civil) :

  • Lorsque le donataire n’a pas exécuté une charge qui lui était imposée (dans le cas d’une donation assortie d’une obligation
  • En cas « d’ingratitude » du donataire (tentative de meurtre, sévices, injures graves…)
  • Lorsque le donateur, qui n’avait aucun descendant vivant à la date de la donation, a un enfant par la suite. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, une donation ne peut être révoquée que si le donateur s’est expressément ménagé cette possibilité dans l’acte de donation, et s’il demande la révocation dans les 5 ans qui suivent la naissance ou l’adoption de son enfant.

Notez que l’acte de donation notarié peut toutefois contenir une clause de « retour conventionnel » permettant d’atténuer quelque peu ce principe d’irrévocabilité. Elle permet de faire revenir le bien dans le patrimoine du donateur si le donataire décédait avant lui sans laisser de descendant.

Les deux types de donation

En principe, une donation consentie à un futur héritier (en général, il s’agit d’un enfant) est une simple avance sur son héritage futur. Ainsi, une personne souhaitant simplement aider un de ses enfants au moment où il en a besoin, mais sans le gratifier spécialement par rapport à ses frères et sœurs, lui consentira une donation « en avancement de part successorale ». Lors de la succession du donateur, on tiendra compte de cette donation pour déterminer la part d’héritage devant revenir à chaque héritier. L’enfant devra « rapporter » la donation, qui sera alors englobée dans sa part d’héritage. Il recevra moins de biens de la succession, afin que l’égalité avec ses frères et sœurs soit respectée.

En revanche, si le donateur entend avantager l’enfant par rapport aux autres, il lui consentira une donation « hors part successorale ». Cela signifie que la donation lui est consentie en plus de sa part de succession. Elle ne sera pas rapportable et l’enfant aura ainsi droit à la même part que ses frères et sœurs dans les biens du défunt. Une telle libéralité est tout à fait valable dès lors qu’elle ne dépasse pas la « quo­tité disponible ». Rappelons qu’il s’agit de la part de votre patrimoine dont vous pouvez disposer librement par donation ou testament au profit de la personne de votre choix. Cette quotité disponible dépend du nombre d’enfants que vous avez eus. Si vous avez 3 enfants, par exemple, vous pouvez donner jusqu’à 1/4 de vos biens à l’un d’eux à titre d’avantage « hors part successorale » (la réserve globale de vos enfants s’élève dans ce cas à 3/4 de votre patrimoine).

Si la donation consentie à l’enfant dépasse la quotité disponible et empiète donc sur la part de réserve de ses frères et sœurs, ces derniers pourront remettre en cause la donation au décès du donateur en exerçant l’action « en réduction ». Un héritier réservataire majeur peut, cependant, renoncer à l’avance à exercer son action en réduction à l’encontre d’une libéralité qui porterait atteinte à sa part de réserve. Un geste généreux plutôt réservé, dans les faits, aux donations favorisant un frère ou une sœur handicapé.

Les donations bénéficient d’une fiscalité favorable

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont voulu encourager la transmission anticipée du patrimoine vers les jeunes générations. C’est pourquoi les donations aux enfants et petits-enfants, principalement, bénéficient d’une fiscalité avantageuse. Cette fiscalité reste incitative, malgré le durcissement résultant de la 2e loi de finances rectificative pour 2012, applicable aux donations consenties depuis le 17 août 2012 (ainsi qu’aux successions ouvertes à compter du même jour).

Les donations aux enfants
Une donation consentie par un parent à un enfant bénéficie aujourd’hui d’un abattement de 100 000 € (contre 159 325 € avant le 17 août 2012). Rappelons que l’abattement est une somme qui échappe totalement au fisc. En outre, l’abattement se reconstitue tous les 15 ans (contre 10 ans seulement avant le 17 août 2012, voire 6 ans entre 2007 et 2011 ; art. 784 du Code général des impôts).

Un enfant peut ainsi aujourd’hui recevoir jusqu’à 100 000 € de la part de chacun de ses père et mère, tous les 15 ans, soit 200 000 € au total. Et ce, sans rien verser au fisc au titre des droits de donation. L’enfant handicapé bénéficie en outre d’un abattement spécifique de 159 325 €.

Il peut donc aujourd’hui recevoir jusqu’à 259 325 € de chacun de ses parents, en franchise de droits fiscaux, également tous les 15 ans. Lorsque le montant de la donation dépasse celui de l’abattement, le surplus est taxé à un tarif variable selon le degré de parenté entre le donateur et le donataire.

Les donations aux petits-enfants
Les petits-enfants donataires bénéficient d’un abattement spécifique de 31 865 €. Deux grands-parents qui ont 3 petits-enfants, par exemple, peuvent donner 63 730 € à chacun (31 865 € x 2) en franchise totale de droits de donation, soit 191 190 € en tout (63 730 € x 3). Sachant que les grands-parents de l’autre branche peuvent faire la même chose, chaque petit-enfant peut potentiellement recevoir jusqu’à 127 460 € de ses 4 grands-parents sans payer de droits fiscaux. Et cette opération peut être renouvelée tous les 15 ans.

Cette somme peut même être doublée si chaque grand-parent consent aussi un « don familial exonéré » de 31 865 € à chaque petit enfant. Notez, par ailleurs, qu’un petit-enfant handicapé bénéficie, sous certaines conditions, d’un abattement supplémentaire de 159 325 €.

Par ailleurs, lorsqu’une donation est consentie à un petit-enfant dont le père ou la mère (l’enfant du donateur) est décédé, le donataire bénéficie d’un double abattement. Il a droit, d’abord, à l’abattement de 100 000 €, applicable entre parent et enfant, au titre de son père ou de sa mère décédé(e). Cet abattement se divise entre les enfants du défunt s’il en avait plusieurs. Il bénéficie, en plus, de l’abattement de 31 865 € applicable entre grands-parents et petits-enfants. Soit un abattement total de 131 865 € au maximum.

Exemple : M. Lenoir fait une donation à son petit-fils unique, Jean, dont le père est décédé, Jean bénéficie de l’abattement de 100 000 € qui aurait profité à son père et de son propre abattement de 31 865 € en tant que petit-enfant. Si M. Lenoir avait eu 2 petits-enfants, ceux-ci se seraient partagé l’abattement de leur père décédé. Chacun aurait alors eu droit à 50 000 €, auxquels s’ajouterait leur propre abattement de 31 865 €, soit au total 81 865 € chacun.

Les donations entre époux ou entre partenaires de pacs
Un époux a le droit de donner à son conjoint un bien ou de l’argent qui lui appartient personnellement. Le conjoint donataire bénéficie alors d’un abattement de 80 724 €. Autrement dit, il est actuellement possible de donner jusqu’à 80 724 € à son conjoint tous les 15 ans, sans rien verser au fisc. Si la donation dépasse le montant de l’abat­tement, elle est taxée selon un tarif progressif qui va de 5 à 45 %. Comme toute donation, une telle libéralité, dite « donation de biens présents » (à ne pas confondre avec la « donation entre époux » ou « au dernier vivant ») est irrévocable, même en cas de divorce ultérieur des époux.

L’abattement et le tarif applicables aux époux s’appliquent aussi aux donations entre partenaires de pacs. Comme de règle, la donation est irrévocable, même en cas de rupture du pacs. Mais attention, si le pacte est rompu au cours de l’année civile de sa conclusion, ou l’année suivante, pour tout autre motif que le mariage entre les partenaires ou le décès de l’un d’eux, le bénéfice de l’abattement de 80 724 € est automatiquement remis en cause. Les biens donnés sont alors rétrospectivement taxables dès le 1er euro. Dans une telle situation, le tarif entre partenaires, de 5 à 45 %, reste toutefois applicable.

Les donations entre frères et sœurs et parents plus éloignés
Les donations entre frères et sœurs bénéficient d’un abattement de 15 932 €. L’excédent est taxé à 35 % jusqu’à 24 430 € et à 45 % au-dessus de ce montant. Les neveux et nièces bénéficient pour leur part d’un abattement de 7 967 €, l’excédant étant taxé à 55 %.

En revanche, les donations entre parents éloignés ou entre personnes sans lien de parenté ne sont pas favorisées par le fisc. Les droits à payer représentent 55 % de la valeur des biens en cas de transmission à un cousin germain, sans aucun abattement. Les droits s’élèvent à 60 % de la valeur des biens concernés entre parents au-delà du 4e degré ou en l’absence de tout lien de parenté, et ce, sans aucun abattement.

Il n’y a plus de réduction de droits liée à l’âge du donateur :  Jusqu’en 2011, lorsqu’une donation dépassait le montant de l’abattement, et était donc taxable, la note fiscale pouvait être sensiblement réduite. Par exemple, si le donateur avait moins de 70 ans, le montant des droits de donation était amputé de 50 %. Le montant des droits est désormais indépen­dant de l’âge du donateur. Seules certaines donations d’entreprise réalisées par un donateur de moins de 70 ans bénéficient encore d’une réduction de 50 %.

Le donateur peut prendre en charge les droits de donation
Normalement, les droits fiscaux et les frais (honoraires du notaire…) sont à la charge du donataire. Mais il est tout à fait possible que le donateur les prenne à sa charge. Ce coup de pouce est admis par le fisc, qui n’y voit pas une libéralité supplémentaire. Il n’est donc pas taxé. Mais cela suppose, bien sûr, que le donateur ait les moyens de prendre ces droits à sa charge en plus du bien qu’il donne.