Sauf clause contraire, toute donation consentie à un héritier est présumée être une simple avance sur sa part d’héritage.
Autrement dit, on considère qu’avec la donation, cet héritier a déjà reçu une partie de son héritage, à hauteur du montant donné. En toute logique, il faut donc tenir compte de cette avance lors du règlement de la succession du donateur, afin de rétablir l’équilibre entre ses héritiers. Cette opération, appelée « rapport des donations », consiste à réintégrer fictivement dans sa succession, les donations effectuées par le défunt. Précisons que le donataire ne doit pas, évidemment, restituer les biens qu’il a reçus ; la réintégration est purement comptable. En principe, toute donation est rapportable, car effectuée « en avancement de part successorale ». Toutefois, celles expressément spécifiées par le donateur comme étant « hors part successorale » ne sont pas rapportables. Dans le même sens, rappelons qu’un legs (c’est-à-dire une libéralité consentie par testament) fait à un héritier est, par principe, « hors par successorale », à moins, là encore, que le testateur en ait disposé autrement.
Les donations soumises au rapport
Seules les donations consenties à un « héritier présomptif » sont en principe rapportables. On appelle héritier présomptif toute personne qui serait appelée à hériter du donateur en vertu de la loi, si celui-ci venait à décéder. Par exemple, les enfants du donateur et son conjoint : les frères et sœurs d’une personne qui n’a pas d’enfants…
Cette qualité de « successible » s’apprécie au jour de la donation. Par exemple, un petit-enfant n’a pas à rapporter à la succession de son grand-père la donation que ce dernier lui a consentie du vivant de son père ou de sa mère (enfant du donateur). En effet, à ce moment-là, il n’était pas héritier du donateur. Il en va ainsi, même si, au final, il vient à héritier de son grand-parent parce que son père ou sa mère, enfant du donateur, est décédé entre temps.
En revanche, si son grand-père lui consent une donation après le décès de son père ou de sa mère, le petit-enfant devra la rapporter à la succession de son grand-père.
Pour que la donation soit rapportable, il faut aussi que l’héritier bénéficiaire intervienne à la succession, c’est-à-dire qu’il l’accepte, soit purement et simplement, soit à concurrence de l’actif net. S’il renonce à la succession, il n’a pas, en principe, à rapporter la donation qui lui a été consentie (à moins que le donateur ait prévu le contraire dans l’acte de donation). Sous ces réserves, les donations sont rapportables, quelle que soit leur forme : qu’elles aient été faites devant un notaire, de « la main à la main » (don manuel), de manière déguisée ou indirecte. Peu importe, enfin, la date à laquelle elles ont été consenties : le fait qu’une donation ait été effectuée il y a plus ou moins de 15 ans ne jouent pas ici. Ce délai n’a d’importance que sur le plan fiscal.
Les donations non rapportables
Les donations effectuées « hors part successorale » n’ont pas à être rapportées par ce dernier à la succession du donateur défunt». Il s’agit, en effet, des donations au sujet desquelles le donateur a expressément prévu qu’elles venaient en plus de la part d’héritage du donataire. La mention que cette donation est dispensée du rapport figure généralement dans l’acte de donation notarié lui-même. Elle peut être précisée dans un testament ultérieur ou encore, en cas de don manuel, figurer dans un pacte adjoint (un document sous seing privé précisant les conditions de la donation, rare en pratique). Échappent également au rapport, en principe, les donations-partages ainsi que les présents d’usage. En effet, ces derniers ne sont pas considérés comme des donations lorsque le cadeau est remis à l’occasion d’un événement marquant de la vie familiale et à condition qu’il soit proportionné à la situation financière de celui qui le fait.
Les modalités du rapport
Le rapport des donations consiste à rajouter fictivement aux biens laissés par le défunt, au jour de son décès, les donations qu’il avait consenties. Cela, afin de déterminer la masse à partager entre les héritiers et de calculer la part devant revenir à chacun d’eux. Celui qui a bénéficié d’une donation a droit à la même part que les autres, mais, au moment du partage, il prendra moins que les autres, afin de tenir compte des biens déjà reçus (puisque la donation est, sauf disposition contraire, considérée comme une avance sur sa part). Dans l’hypothèse où un héritier a reçu plus que sa part, il doit indemniser les autres en leur versant une indemnité de rapport. Mais il peut aussi décider, de son propre chef, de rapporter le bien en nature, c’est-à-dire de le restituer, à condition que ce dernier soit libre de toute charge ou occupation résultant de son fait. Par exemple, si l’héritier soumis au rapport avait reçu un appartement en donation, il ne doit pas être occupé par un locataire ou bien être hypothéqué. Dans les faits, il n’est pas rare que l’utilité du rapport soit mal comprise des héritiers et cela engendre parfois des litiges.
Les règles d’évaluation des donations
Entre la date où une donation a été consentie et celle de l’ouverture d’une succession, la valeur des biens donnés a pu varier, à la hausse comme à la baisse. Lorsque les donations sont réintégrées à la succession, des règles particulières d’évaluation s’appliquent (non seulement pour le calcul du rapport, mais aussi pour l’évaluation de la réserve et de la quotité disponible). Ainsi, les biens doivent être évalués à la date du partage entre les héritiers, en tenant compte de leur état lors de la donation. Concrètement, cela signifie qu’on ne tient pas compte de la plus-value que le bénéficiaire de la donation a pu apporter au bien. En revanche, toute variation de valeur indépendante de sa volonté (par le simple jeu de l’évolution du marché immobilier, par exemple) est prise en compte.
La donation a porté sur une somme d’argent
C’est, en principe, le montant donné qui est rapporté à la succession. Toutefois, si le donataire a utilisé cette somme pour acheter un bien, c’est la valeur de ce bien qui doit être retenue. Sauf dans un cas : lorsque le donataire a acheté des biens de consommation dont la dépréciation est inévitable (voiture, matériel informatique, audio, vidéo…). C’est alors la somme effectivement donnée qui doit être rapportée à la succession.
La donation a porté sur un bien qui a été vendu ou donné
On retient ici la valeur du bien au jour de la vente ou de la donation. Si le donataire a utilisé le prix de vente pour racheter un autre bien, c’est la valeur de cet autre bien qui devra être retenue, sauf s’il s’agit d’un bien de consommation courante.
Le donateur peut prévoir des règles d’évaluation différentes
Le donateur a la possibilité d’écarter ces règles légales et de prévoir un autre mode d’évaluation. Il peut, par exemple, décider que les biens immobiliers verront leur valeur ajustée en fonction de l’application de l’indice du coût de la construction. Ces règles dérogatoires constituent, le plus souvent, un avantage pour le donataire, qui devra rapporter une somme inférieure à celle qu’il aurait dû rapporter si les règles légales avaient été appliquées. Mais, en contrepartie, les autres héritiers s’en trouvent désavantagés. L’avantage qui en résulte pour le donataire est considéré comme étant acquis « hors part successorale ». Toutefois, en présence d’héritiers réservataires, l’avantage ainsi prévu par le donateur ne sera définitivement acquis au donataire que s’il n’empiète pas sur leur réserve. A défaut, les héritiers réservataires pourraient demander sa réduction.